F.I.E.

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FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR - F.I.E

RAPPEL CONCERNANT LA F.I.E.

Pour engager une procédure en FIE, la date de la prise en charge est de 2 ans.

Passé ce délai la procédure est prescrite.

(C’est la date de la prise en charge en reconnaissance de la maladie professionnelle par la CPAM qui tient lieu de référence).

(C.M.I.)

La procédure en F.I.E. peut être engagée pour tous les dossiers même sur la base d’un taux d’IPP de  5%.

Pour nous permettre de constituer ce dossier, il est nécessaire de nous faire parvenir un certain nombre de documents.

Nous vous expliquerons, plus en détails, les documents dont nous aurons besoin lors de votre 1er rendez-vous.

 

Lorsque la faute inexcusable est reconnue par le TGI de Nantes,

Cette procédure permet d’obtenir :

  • La majoration maximum de la rente, qui suivre l’évolution du taux d’IPP de la victime en cas d’aggravation de son état de santé.

    .Exemple : Taux d’IPP de 70 %, votre rente trimestrielle ou mensuelle sera de 70 % au lieu de 55 %.

  • Si votre maladie professionnelle est reconnue après le 1er septembre 2001 :

La veuve ayant moins de 55 ans bénéficiera d’une rentre de 100 % au lieu de 40 %.

La veuve ayant plus de 55 ans bénéficiera d’une rente de 100 % au lieu de 60 %

Sur le salaire de référence de son mari

 

EN OBTENANT LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

VOUS VOUS PROTEGEZ SI VOTRE MALADIE S’AGGRAVE

VOUS PRESERVEZ L’AVENIR DE VOTRE EPOUSE

 

La faute inexcusable et ses conséquences

Le chef d’entreprise doit anticiper toute situation factuelle susceptible de porter préjudice à la collectivité de travailleurs, y compris en cas de pandémie.L’évolution des conséquences indemnitaires de la faute inexcusable, s’agissant tant de l’étendue des chefs de préjudice indemnisable que des modalités de règlement désormais en capital, oblige l’entreprise à maintenir un niveau d’exigence sécuritaire désormais vital pour sa pérennité. Dossier réalisé par Xavier Bontoux avocat associé BDO/Fayan-Roux, Bontoux et Associés

1 Comment définir la faute inexcusable ?

UNE DÉFINITION PRÉTORIENNE

Une première définition de la faute inexcusable a été donnée par l’arrêt Villa du 15 juillet 1941 (Cass. Soc., Ch. réunies, 15 juillet 1941, n° 00-26.836)  : « La faute inexcusable retenue par l’article 20-3 de la loi du 9 avril 1898 doit s’entendre d’une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant (de la faute intentionnelle) par le défaut d’un élément intentionnel. » La notion de faute inexcusable ne fera jamais l’objet d’une définition par le législateur, lequel ne l’abordera que dans ses conséquences indemnitaires à l’article L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale en ces termes : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. » Ainsi, un régime spécifique de réparation des préjudices d’origine professionnelle des salariés victimes de la faute inexcusable de leur employeur sera institué.

DES CRITÈRES CUMULATIFS

Pour sa matérialité, plusieurs critères cumulatifs doivent coexister.

La conscience du danger par l’employeur

Premier critère : la conscience du danger par l’employeur, qui découle de l’obligation générale de sécurité pesant sur lui. Celui-ci est, en effet, tenu de prendre toutes les mesures adéquates en fonction de son secteur d’activité et des possibilités tant techniques que scientifiques afin de rendre les conditions de travail de ses salariés plus sûres (C. trav., art. L. 4121-1 et s).

À NOTER

L’obligation générale a pour origine, la directive n° 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

De l’obligation originelle dite « de résultat »…

Avant 2015, l’employeur était tenu à une obligation de résultat qui consistait, pour ne pas voir sa responsabilité engagée, à atteindre coûte que coûte, le résultat promis.

À la suite des célèbres arrêts de 2002 relatifs aux maladies professionnelles liées à l’ amiante, cette obligation de résultat était clairement affirmée. «  Tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, notamment révélé par l’accident ou la maladie, le caractère d’une faute inexcusable si l’ employeur avait conscience ou, en raison de son expérience et de ses connaissances techniques, aurait dû avoir conscience du danger encouru par les salariés, et qu’il n’a pas pris les dispositions nécessaires pour les en préserver. » (Cass. Soc. 28 février 2002, n° 00-10.051, n° 99-18.389, n° 99-18.390, n° 99-21-255 et n° 99-17.201 ; Cass. Ass. Plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).

Cette définition était rapidement étendue aux accidents du travail (Cass. Soc., 11 avril 2002, n° 00-16535) avant d’être reprise par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 2 e , 16 septembre 2003, n° 01-20.780) et consacrée en 2005 par l’assemblée plénière (Cass. Ass. Plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).

Selon la Haute Cour, cette obligation de résultat découlait de l’existence même du contrat de travail. L’employeur y était donc tenu, en tant que débiteur, au titre de ses obligations contractuelles, tel que le préconisait l’article 1147 du Code civil – devenu l’article 1231-1 du même code. Ainsi, lorsque survenait un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur était systématiquement tenu pour responsable au titre de la faute inexcusable subséquente ainsi inévitable, une telle situation ne devant avoir lieu contractuellement.

L’existence d’un tel préjudice suffisait à démontrer la non-réalisation de l’obligation de résultat de l’employeur et, donc, à engager de ce seul fait, sa responsabilité. Une telle sévérité s’avérera au final contre-productive. En effet, et dans la mesure où la simple réalisation du risque engageait la responsabilité de l’employeur, ce dernier pouvait alors légitimement s’interroger sur l’utilité des moyens à mettre en œuvre afin de prévenir la survenance d’un dommage sur le lieu de travail.

… à une obligation de moyen « renforcée »

Face à cette contradiction, il semble que le juge veuille désormais assouplir son analyse, ou à tout le moins, la rendre plus pragmatique.

Par un arrêt du 25 novembre 2015 dit « Air France », la Cour de cassation jugeait que l’employeur justifiant avoir mis en place et donc respecté des mesures réglementaires de sécurité ne méconnaissait pas son obligation légale de sécurité, même en cas de réalisation du risque connu (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444 ; Cass. Soc., 1 er  juin 2016, n° 14-19.702). C’est ainsi que l’obligation de sécurité de résultat faisait place à l’obligation de moyen dite renforcée. Il est finalement judiciairement reconnu que la survenance d’un dommage peut s’avérer inévitable. Le juridique rejoint le pragmatisme.

Dès lors, il convient que l’employeur justifie de la mise en œuvre des mesures nécessaires et adéquates pour satisfaire à son obligation (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2). En substance, la jurisprudence autorise la justification de l’employeur face à l’inévitable mais sous conditions strictes. Si la notion d’obligation de moyen « renforcée » n’est pas explicitée par la Cour, on peut raisonnablement supposer que les dispositifs de sécurité et de prévention mis en place par l’employeur ne permettront jamais d’écarter de facto sa condamnation en cas de dommage. Encore faut-il que ces derniers soient adaptés au risque et dans un niveau d’exigence nécessairement absolu. En effet, la notion d’obligation de moyen « renforcée » doit nécessairement être interprétée comme l’ambition d’une sécurisation maximale recherchée par l’employeur. Il se doit d’en connaître le champ des possibles. Toutes les mesures entreprises par l’employeur ne pourront qu’être bénéfiques en ce qu’elles permettront d’appréhender les risques. Le juge sera d’ailleurs et bien évidemment sensible à ces mesures. À ce titre, la demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur a pu être rejetée lorsque ce dernier avait justifié avoir mis à la disposition de ses salariés les moyens nécessaires permettant d’éviter les risques (EPI) ainsi que des formations à la sécurité garantissant aux salariés une sécurité satisfaisante dans leur travail (Cass. Civ. 2 , 18 janvier 2005, n° 03-30.019).

Dès lors, un engagement sur des moyens et des objectifs est primordial ; cela permettra à l’employeur d’éviter que sa responsabilité soit engagée. D’évidence, on ne peut que conseiller la mobilisation des institutions représentatives du personnel et, le cas échéant, la ratification d’un accord de prévention. Autant d’éléments qui, présentés au juge, matérialiseront la bonne foi et la dimension proactive de l’employeur face aux enjeux de sécurité.

L’absence des mesures pour préserver le salarié du danger encouru

Dès lors que la mise en responsabilité n’est plus automatique, il convient de s’interroger sur les circonstances matérialisant la faute inexcusable de l’employeur.

De l’importance de la preuve

La charge de la preuve incombe à la victime. En effet, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver (C. civ., art. 1353). La victime doit alors apporter la preuve que l’ employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés ses salariés et qu’il n’ a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir (Cass. Civ. 2 , 8 juillet 2004, n° 02-30.984 ; Cass. Civ. 2 , 22 mars 2005, n° 03-20.044).

Bien qu’en vertu de l’article L. 4154-3 du Code du travail, il existe une présomption de faute inexcusable pour « les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle », à condition que ces derniers soient « affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité » sans avoir pu bénéficier d’une « formation à la sécurité renforcée », par principe, la faute inexcusable ne se présume pas (Cass. Soc., 13 novembre 1964, n° 63-13.309).

Le lien de causalité

Pour que la faute inexcusable soit révélée, il est nécessaire que la victime prouve que le manquement de l’employeur est la cause véritable du dommage (Cass. Soc., 31 octobre 2002, n° 01-20.445).

Le juge apprécie cette condition in abstracto.

De la prescription de l’action

La victime qui entend faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur a deux ans pour intenter son action (CSS, art. L. 431-2).

La prescription commence à courir à compter  :

– du jour de l’ accident ou de l’information du lien possible entre la maladie et le travail ;

– du jour de la cessation du paiement de l’ indemnité journalière  ;

– du jour de la cessation du travail  ;

– du jour de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident (Cass. Civ. 2 , 3 avril 2003, n° 01-20.872 ; Cass. Civ. 2 , 29 juin 2004, n° 03-10.789 ; Cass. Civ. 2 , 21 janvier 2010, n° 09-10.944 ; Cass. Civ. 2 , 19 septembre 2013, n° 12-21.907).

L’éventuelle compétition des délais sus-évoqués s’analyse en faveur de la victime.

De plus, le délai de prescription peut être interrompu notamment par une action pénale (CSS, art. L. 431-2 dernier al.), une procédure de conciliation (Cass. Soc., 7 octobre 1987, n° 86-11.146 ; Cass. Civ. 2 , 11 juin 2009, n° 08-15.435 ; Cass. Soc., 15 novembre 1990, n° 89-12.437), une demande d’indemnisation complémentaire (Cass. Civ. 2 , 3 mars 2011, n° 09-70.419).

2 Quelle procédure ?

LA JURIDICTION COMPÉTENTE

Le contentieux de la faute inexcusable relève de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire (ancien pôle social du tribunal de grande instance jusqu’au 31 décembre 2019, auparavant tribunal des affaires de sécurité sociale jusqu’au 31 décembre 2018).

LA PHASE AMIABLE PRÉALABLE DE TENTATIVE DE CONCILIATION

Avant de saisir la juridiction compétente, la victime ou ses ayants droit, doivent seuls, ou par l’intermédiaire de la CPAM, engager une procédure de conciliation avec l’ employeur. Si la caisse refuse d’engager cette phase préalable, alors la victime ou ses ayants droit peuvent passer outre et saisir directement la juridiction (Cass. Civ. 2 , 14 mars 2019, n° 18-12.620).

Il s’agit ici de s’accorder sur la réalité de la faute inexcusable de l’employeur et de déterminer les indemnités dues en réparation.

Si la mise en place d’une phase amiable avant tout litige est toujours souhaitable, force est de constater que la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ne s’y prête pas. D’une part, l’employeur n’admet que très rarement de manière spontanée être à l’origine d’une telle faute et ne voudra naturellement pas concilier, d’autant que les indemnités ne sont pas négociables dans la mesure où il s’agit pour une part significative d’indemnités forfaitaires conséquentes.

D’autre part, le salarié n’aura également que peu d’intérêt à un tel accord, dans la mesure où la quantification de son préjudice est très incertaine et requiert quasi systématiquement une expertise médicale. Dès lors et dans la mesure où cette phase amiable obligatoire se solde systématiquement par un échec, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’un tel préalable.

L’ACTION SUBROGATOIRE DE CERTAINS ORGANISMES TIERS PAYEURS

Certains organismes tiers payeurs peuvent saisir directement le tribunal pour demander la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et, en conséquence, le remboursement des sommes allouées par l’organisme à la victime.

À titre d’exemple : outre la CPAM, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) peut intenter une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur pour récupérer les sommes qu’il a allouées à la victime. Ces organismes engagent alors la responsabilité de l’employeur à travers une action subrogatoire visant au remboursement des sommes versées à la victime.

3 Quelles conséquences financières ?

La réparation due à la victime en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, revêt un caractère indemnitaire forfaitaire complémentaire, car elle s’ajoute à la rente versée au titre de la reconnaissance professionnelle de la pathologie (CSS, art. L. 452-1 et s.). Ainsi, cette réparation ne peut être envisagée dans les conditions de droit commun. La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur « par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable » (CSS, art. L. 452-3-1). La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur entraîne une indemnisation plurielle forfaitaire bénéficiant à la victime ou à ses ayants droit.

D’UNE RÉPARATION PLURIELLE FORFAITAIRE VERS UNE RÉPARATION MIXTE INTÉGRALE

Bien que, en droit français, le principe de la réparation consiste à indemniser tout le préjudice et rien que le préjudice, c’est-à-dire que ne doit résulter pour la victime d’un dommage, « ni perte ni profit » (Cass. Civ. 2 , 23 janvier 2003, n° 01-00.200), le droit de la sécurité sociale admet par dérogation une réparation forfaitaire dont les postes de préjudices sont fixés par la loi.

À la suite de divers débats sur le sujet, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 18 juin 2010 (Cons. Const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC), que ce type de réparation n’est pas contraire à la Constitution, sous les réserves importantes qui seront abordées ci-après.

Depuis cette décision, la réparation forfaitaire est considérée comme la réparation intégrale adéquate des victimes de faute inexcusable. Les victimes de sinistres professionnels ne bénéficient donc pas de la même réparation que les victimes de droit commun. Ainsi, lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime ou ses ayants droit sont bien fondés à solliciter une première indemnisation forfaitaire qui prend notamment la forme d’une majoration de la rente ou du capital déjà octroyé par la Caisse primaire d’assurance maladie (v. « La majoration de la rente », page 5). Néanmoins, et outre ces postes de préjudices, la juridiction constitutionnelle permet également à la victime ou à ses ayants droit de prétendre à une autre indemnisation complémentaire pour les préjudices non couverts par la réparation forfaitaire de la majoration (v. « L’indemnisation des préjudices prévus par la loi » et « L’indemnisation complémentaire des préjudices non prévus par la loi », ci-après).

L’indemnisation de la victime

En plus de sa rente d’incapacité partielle (IPP), l’indemnisation de la victime d’une faute inexcusable de son employeur peut prendre deux formes cumulatives.

La majoration de la rente

La majoration de l’indemnité en capital ou de la rente tend à compenser le préjudice résultant de la perte de capacité ou de gains, y compris la perte de gains futurs, ainsi que l’ incidence professionnelle de l’incapacité (CSS, art. L. 452-2).

La majoration vient s’ajouter à la rente forfaitaire déjà attribuée à travers le taux d’incapacité « permanente » :

– entre 1 et 9 % : une indemnité en capital versée en une seule fois ;

– entre 10 et 100 % : une rente viagère est versée jusqu’au décès.

Cette majoration est généralement fixée à son maximum (Cass. Soc., 6 février 2003, n° 01-20.004), c’est-à-dire que la rente est doublée sans pouvoir dépasser la fraction de salaire correspondant à la réduction de la capacité s’il s’agit d’une incapacité permanente partielle, soit le montant du salaire annuel de la victime dans le cas d’incapacité totale (Cass. Civ. 2 , 12 mai 2011, n° 10-18.392 ; Cass. Soc., 4 février 1999, n° 97-13.045). Si l’incapacité évolue, alors la rente évolue en conséquence (Cass. Civ. 2 , 14 décembre 2004, n° 03-30.451).

La faute inexcusable de la victime elle-même peut avoir pour conséquence de ne pas lui attribuer de majoration maximale de sa rente (Cass. Soc., 19 décembre 2002, n° 01-20.447), mais en aucun cas elle n’exonérera l’employeur de sa responsabilité.

En outre, la victime dont le taux d’ incapacité permanente partielle est déterminé à 100 % ne peut pas bénéficier d’une majoration de sa rente dans la mesure où celui-ci perçoit déjà une indemnité égale au montant de son salaire (Cass. Soc., 4 février 1999, n° 97-13.045).

Pour rappel, tant la rente que la majoration de cette dernière sont versées au salarié par la Caisse primaire d’assurance maladie, laquelle intervient en qualité de tiers-garant (v. l’encadré « Les incidences financières pour l’employeur », ci-contre).

L’indemnisation des préjudices prévus par la loi

La victime d’une faute inexcusable de son employeur peut réclamer, outre la majoration de sa rente, la réparation de ses autres préjudices, lesquels sont limitativement fixés par le Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 452-3)  :

– le préjudice esthétique temporaire ou permanent (Cass. Civ. 2 , 7 mai 2014, n° 13-16.204). Il s’agit de l’altération de l’apparence physique de la victime (cicatrices, déformations, etc.) ;

– les souffrances physiques et morales endurées : non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (Cass. Civ. 2 , 28 février 2013, n 11-21.015)  ;

– le préjudice d’agrément. Il s’agit de l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisir (Cass. Civ. 2 , 28 février 2013, n° 11-21.015)  ;

– le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle en général (Cass. Soc., 9 avril 1998, n° 96-19.055 ; Cass. Civ. 2 , 20 septembre 2005, n° 04-30.278 ; Cass. Civ. 2 , 8 avril 2010, n° 09-11.634 ; Cass. Civ. 2 , 30 juin 2011, n° 10-22.768).

La victime atteinte d’une incapacité permanente de 100 % ne peut prétendre à une majoration de sa rente, elle peut néanmoins solliciter une indemnité forfaitaire correspondant au montant du salaire minimal annuel servant au calcul de la rente, à la date de la consolidation (CSS, art L. 452-3).

L’indemnisation complémentaire des préjudices non prévus par la loi

À travers une décision rendue le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a considéré « qu’indépendamment de la majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ; qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre iv du Code de la sécurité sociale » (Cons. Const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC).

Dans le prolongement de cette décision, la Cour de cassation accordait aux victimes une indemnisation forfaitaire complémentaire des préjudices non prévus par le Code de la sécurité sociale « à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre iv du Code de la sécurité sociale » (Cass. Civ. 2 , 30 juin 2011, n° 10-19.475 ; Cass. Civ. 2 , 4 avril 2012, n° 11-15.393 ; n° 11-14.311 ; n° 11-14.594 ; n° 11-18.014 ; n° 11-10.308), c’est-à-dire une réparation de tous les autres préjudices réparables qui ne l’ont pas été au titre de ceux légalement prévus (v. l’encadré « Exemples de préjudices non prévus par la loi pouvant fare l’objet d’une indemnisation », page 2). Ainsi, tout en estimant ces dispositions de réparation forfaitaire conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel a ouvert la possibilité aux victimes de faute inexcusable de leur employeur de prétendre à une indemnisation intégrale de l’ensemble de leurs préjudices.

L’indemnisation des ayants droit de la victime

La majoration de la rente

Les ayants droit d’une victime d’une faute inexcusable qui décède peuvent prétendre à une majoration de rente déterminée dans les mêmes conditions que celle attribuée à la victime (CSS, art. L. 452-3 al. 2 ; Cass. Civ. 2 , 4 novembre 2010, n 09-12.709).

L’indemnisation complémentaire des autres préjudices

Les ayants droit peuvent prétendre à la réparation de leur préjudice moral ainsi que celui subi par la victime elle-même, avant qu’elle ne décède (Cass. Soc., 28 février 2002, n° 00-11.793 ; Cass. Civ. 2 , 29 juin 2004, n° 02-31.144 ; Cass. Civ. 2 , 20 mars 2008, n° 07-15.807).

4 Quelles sont les suites en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

L’ACTION RÉCURSOIRE DE LA CPAM

Dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la CPAM intente l’ action en justice dans le but de faire condamner l’employeur fautif à lui rembourser les sommes qu’elle a versées à la victime ou à ses ayants droit. En effet, rappelons que la caisse intervient comme tiers-garant.

En cas de précarité de la situation de l’ employeur (notamment lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation de sauvegarde ou de redressement judiciaire), non assuré contre ce risque, la caisse pourra réduire la dette par décision motivée et prévoir un échelonnement ou une réduction de la dette (Lettre min. DSS n° 2013-10088, 21 mai 2014 ; Circ. CNAMTS n° 11-2014, 10 juin 2014).

OBTENIR LA CONDAMNATION DE L’ÉTAT

Si l’ administration a commis une faute qui a concouru à la réalisation du dommage, l’ employeur peut obtenir la condamnation de l’État à lui rembourser tout ou partie de l’indemnisation versée (CE, 9 novembre 2015, n os  359548 et 342468), sauf si l’employeur a délibérément commis une faute d’une particulière gravité (CE, 26 mars 2018, n° 401376).

5 Comment se prémunir ?

Éviter les risques : tel doit être le crédo de l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du travail qui dispose : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Ces mesures comprennent :

– des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

– des actions d’ information et de formation  ;

– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Encore faut-il que ce dernier ait pleinement conscience des menaces qui pèsent sur ses salariés sur leur lieu de travail.

QUELLE PRÉVENTION ?

Une connaissance du terrain

Compte tenu de son obligation de moyen renforcée, l’employeur se doit de connaître l’environnement de travail de ses salariés.

À cet effet, une mission d’audit faisant intervenir différents acteurs de la sécurité et de la santé au travail (ingénieurs « Qualité, sécurité, environnement », médecins, ergonomes, etc.) aura son utilité.

Un document unique d’évaluation des risques à jour

L’employeur qui tient notamment à jour un document unique d’évaluation des risques (DUER) peut démontrer avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher que les risques connus de lui ne causent un préjudice aux salariés exposés.

La production d’un tel document lors d’une instance permet alors à l’employeur de démontrer qu’il avait connaissance des risques et mis en œuvre, en amont, des moyens pour s’en prémunir. À condition, bien évidemment, que les constats portés par ce document soient suivis d’actions de prévention concrètes.

La déclaration de performance extra-financière

Outre le DUER, les entreprises concernées par l’élaboration d’un reporting périodique, déclaration de performance extra-financière (anciennement rapport RSE), ou celles y souscrivant volontairement doivent répondre à des objectifs politiques ainsi qu’à des actions sociales, sociétales et environnementales (C. Com, art. L. 225-102-1 et R. 225-104).

Les indicateurs qualifiés de performance de la déclaration permettent de mesurer les réalisations et les évolutions dans ces domaines, ainsi que les éventuelles carences. Les actions en matière de sécurité et de prévention des risques sont au rang de ces indicateurs.

Le cas échéant, ils contribueront à matérialiser la bonne foi de l’employeur en cas d’action en reconnaissance de la faute inexcusable.

À l’inverse, le non-respect de ces obligations déclaratives en matière de responsabilité sociale et environnementale sera nécessairement interprété comme une des défaillances permettant de qualifier la faute inexcusable.

L’information des salariés passe par la formation

L’existence ou non d’une formation à la sécurité (ainsi que, le cas échéant, sa pertinence) est souvent le premier élément observé par le juge pour matérialiser et donc qualifier la faute inexcusable. On ne peut qu’insister ici sur le caractère fondamental de ces formations mais également des moyens de preuve à conserver par l’employeur (attestations de formation, livret d’accueil signé, projets pédagogiques, etc.) matérialisant leur existence.

L’obligation générale de formation à la sécurité

L’employeur est tenu de former ses salariés (C. trav., art. L. 6312-1 et L. 6321-1). À ce titre, ils doivent être informés, à titre préventif, sur les risques pour la santé et la sécurité ainsi que sur les mesures prises pour y remédier (C. trav., art. L. 4141-1, R. 4141-1 et s.), et être formés à la sécurité (C. trav., art. L. 4141-2, R. 4141-13 et R. 4141-2.) périodiquement et à chaque fois que nécessaire (obligation d’adaptation de la formation aux évolutions de l’entreprise).

À cet effet, il n’est pas interdit à l’employeur de faire intervenir des prestataires extérieurs pour assurer une telle formation. Sur le plan probatoire, une telle intervention peut même s’avérer opportune.

Toute formation peut se dérouler en présentiel au sein de l’entreprise, à l’ extérieur des locaux ou via des plateformes en ligne, et même sous forme de stage.

Obligation particulière en fonction de la nature de l’activité

Lorsqu’un salarié est exposé à un risque particulier nécessitant le port d’un équipement de protection individuelle, l’employeur est tenu de l’informer et le former à son utilisation (C. trav., art. R. 4323-1 et s. et R. 4323-104 et s.) afin qu’il se protège contre les dangers inhérents à l’activité professionnelle. Le salarié peut dès lors se prémunir contre le bruit (C. trav., art. R. 4434-1 et R. 4436-1), la chaleur, l’humidité, les vibrations mécaniques (C. trav., art. R. 4441-1, R. 4447-1), etc.

L’employeur est d’emblée également tenu de former à la sécurité les salariés qui interviennent dans les secteurs particulièrement exposants et dont les risques suivants sont visés spécifiquement par les textes :

–  électriques (C. trav., art. R. 4544-10) ;

– d’ explosion (C. trav., art. R. 4227-49 et R. 4141-12) ;

– d’ incendi (C. trav., art. R. 4227-39 et R. 4141-12) ;

– liés à la manutention manuelle de charges (C. trav., art. R. 4541-7 et R. 4541-8) ;

– liés à la conduite de machines mobiles, de levage et autres appareillages (C. trav., art. R. 4323-55 à 57) ;

–  chimiques et liés à toutes substances dangereuses cancérogènes, mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction (CMR) telles que le plomb (C. trav., art. R. 4412-38 et 39 et R. 4412-87) ;

– liés aux rayonnements optiques artificiels (C. trav., art. R. 4452-19) ou ionisants (C. trav., art. R. 4451-58) ;

– liés aux champs électromagnétiques (C. trav., art. R. 4453-17)  ;

–  nucléaires (C. trav., art. L. 4522-2)  ;

– liés à l’ amiante (C. trav., art. R. 4412-117) ;

– liés aux agents biologiques, aux déchets d’activité de soins à risques infectieux (DASRI) (C. trav., art. R. 4425-6 et 7) et à l’usage d’objets perforants (C. trav., art. R. 4424-11)  ;

– liés à l’ hyperbare (C. trav., art. R. 4461-27 et s.) ;

– de dépollution pyrotechnique (C. trav., art. R. 4462-27 et 28) ;

– liés au gaz de fumigation (D. n° 88-448 du 26 avril 1988) ;

– d’installation d’équipements élévateurs, monte-charges et ascenseurs (C. trav., art. R. 4543-22 et s.)  ;

– liés au travail en hauteur (C. trav., art. R. 4323-89,6° et R. 4323-69)  ;

– liés au travail isolé (C. trav., art. R. 4543-19 et s. et R. 4512-13) ;

– auxquels s’expose une entreprise extérieure (C. trav., art. R. 4512-15 et -16) ;

– liés aux travaux réalisés à proximité des réseaux aériens, enterrés, subaquatiques (C. env., art. R. 554-31 et arr. du 15 février 2012 pris en application du chapitre iv du titre v du livre V du Code de l’environnement relatif à l’exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution) et des voies ferrées (Arr. du 4 décembre 1992 portant application de l’article 21 du décret n° 92-352 du 1 er  avril 1992 et relatif à la formation de certains personnels appelés à intervenir sur les voies ferrées)  ;

– liés au travail sur écran (C. trav., art. art. R. 4542-16) ;

– liés à la maintenance des équipements de travail (C. trav., art. R. 4323-4).

Obligation particulière en fonction de la catégorie de salariés

Le particularisme lié à la précarité contractuelle de certains salariés oblige l’employeur à une formation « renforcée » à la sécurité (C. trav., art. L. 4154-2).

Le législateur considère ainsi que les salariés en contrat à durée déterminé e, les stagiaires et les salariés temporaires affectés à des postes à risques doivent impérativement bénéficier de cette formation ; étant précisé que la faute inexcusable de l’employeur est présumée établie en cas de défaut de formation « renforcée » de ces salariés (C. trav., art. L. 4154-3).

Outre cette liste fixée par le législateur, le raisonnement est identique s’agissant des autres travailleurs juridiquement précaires, tels que les apprentis et les salariés en contrats de professionnalisation, mais également des nouveaux arrivants dans l’entreprise (C. trav., art. L. 4141-2, 1°), des salariés de retour d’arrêt de 21 jours au moins si le médecin du travail le demande (C. trav., art. L. 4141-2, 4°).

Les jeunes travailleurs (de 15 à moins de 18 ans) ne peuvent être affectés qu’à des travaux légers qui ne sont pas susceptibles de porter préjudice à leur sécurité, leur santé et leur développement (C. trav., art. D. 4153-4). Toutefois, il est possible de les embaucher pour effectuer des travaux « réglementés » (C. trav., art. D. 4153-17 à 37, L. 4153-9, R. 4153-38 et s.) pour le besoin de leur formation professionnelle pour laquelle une déclaration de dérogation est adressée à l’inspection du travail. Dans ce cadre très strict soumis à déclaration, ils doivent en outre bénéficier d’une formation à la sécurité (C. trav., art. R. 4153-40 3° a), pouvant être là encore et selon nous, « renforcée ».

Le rôle essentiel du « sauveteur secouriste au travail » (SST) en matière de prévention des risques

Il convient de porter une attention particulière aux SST dans la mesure où l’employeur est tenu de former a minima un salarié aux premiers secours dans chaque atelier ou chantier où sont accomplis les travaux à risques (C. trav., art. R. 4224-15 et R. 4224-16, formation assurée par l’Institut national de recherche et de sécurité). Aucune obligation liée à la volumétrie des effectifs n’est fixée expressément par le législateur. Mais bien évidemment, la formation et la mise en place de secouristes du travail par l’employeur, y compris hors atelier ou chantier, sera un élément nécessairement pris en compte au titre des mesures proactives de sécurité mises en œuvre par l’employeur.

Le cas du sapeur-pompier volontaire en entreprise

En France, 80 % des sapeurs-pompiers sont volontaires. Les deux tiers exercent une activité professionnelle hors leur engagement au service de la chaîne de secours.

Ces compétences singulières en matière de sécurité constituent évidemment un élément de sécurité important pour l’employeur, quel qu’il soit. On rappellera que les employeurs (tant publics que privés) ont la possibilité de conclure des conventions avec les SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) afin de coordonner l’activité professionnelle et la disponibilité opérationnelle du salarié concerné (C. sécu. int., art. L. 723-11) afin que le secouriste concerné puisse concilier au mieux sa profession et son engagement.

Au demeurant, des avantages fiscaux et des compensations (réduction de primes d’assurances, etc.) sont prévus au bénéfice de l’employeur. Enfin, il existe un label national « employeur partenaire des sapeurs-pompiers » décerné aux employeurs favorisant cet effort de sécurité nationale. L’employeur peut communiquer sur ce label dans le cadre de sa politique RSE. Une politique d’entreprise favorisant l’ emploi de sapeurs-pompiers volontaires sera clairement de nature, là encore, à manifester une volonté préventionniste marquée de l’employeur.

Autres mesures préventives

L’employeur peut (voire doit) prendre l’initiative de mettre en œuvre d’autres mesures de prévention, telles que l’ouverture d’une enquête interne par le biais notamment de questionnaires – anonymes éventuellement – ou bien accorder aux salariés des temps de discussion, afficher des pictogrammes de sécurité dans les locaux, mettre à jour le règlement intérieur (C. trav., art. L. 1321-1), etc. Le but étant de découvrir une réalité autre du terrain qu’il ne pouvait soupçonner et ainsi entrevoir d’éventuelles pistes d’amélioration. L’assistance d’un ingénieur sécurité (interne ou externe) est, de ce point de vue, fortement recommandée.

Le suivi médical individuel renforcé des salariés exposés aux risques

L’employeur qui envisage d’embaucher un salarié sur un des postes listés à l’article R. 4624-23 du Code du travail (soit ceux présentant un risque particulier pour la santé et la sécurité), doit organiser, en amont de la prise de poste, un examen médical d’aptitude (EMA) qui se substitue à la visite d’information et de prévention (C. trav., art. R. 4624-24). L’employeur garantit ainsi une information et une prévention avant même la participation du salarié à une formation sur la sécurité.

Le suivi de ces salariés diffère alors de celui des salariés non exposés aux risques professionnels (C. trav., art. L. 4624-1 et R. 4624-17 et s.). C’est le médecin du travail qui détermine la périodicité de ces examens médicaux particuliers (C. trav., art. R. 4624-28).

Ce suivi individuel renforcé constitue une démarche de prévention des risques professionnels dont le défaut sera de nature à engager (à notre sens d’emblée) la responsabilité de l’employeur au titre d’une faute inexcusable en cas d’AT-MP.

LA NÉCESSITÉ POUR L’EMPLOYEUR DE S’ASSURER CONTRE UNE TELLE FAUTE

L’employeur dont la faute inexcusable est reconnue doit répondre de celle-ci sur son patrimoine personnel. Dès lors et pour se prémunir de conséquences financières importantes, la souscription à une garantie complémentaire dans le cadre de l’assurance responsabilité civile professionnelle est fortement conseillée, voire nécessaire (en évitant les clauses de direction de procès). Elle est même expressément prévue par le législateur sans être pour autant obligatoire (CSS, art. L. 452-4 al. 3).

Les conséquences financières afférentes à la faute inexcusable de l’employeur seront alors prises en charge par l’organisme assureur privé. Il convient d’être néanmoins vigilant sur les contrats d’assurance conclus avant la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, laquelle ouvre l’indemnisation à l’ensemble des préjudices, même ceux non initialement prévus par la loi. Ces contrats doivent faire l’objet, selon nous, d’une renégociation sous peine d’exclure la prise en charge de nombreux préjudices. Ces anciens contrats ne sont malheureusement pas des cas isolés, la tacite reconduction contractuelle ne favorisant pas la mise à jour périodique de ces conventions. L’ employeur doit en avoir conscience et être particulièrement attentif sur ce point.

6 Vers l’indépendance procédurale du caractère professionnel d’une pathologie

L’intérêt d’intenter une action préalable en inopposabilité

Auparavant, l’employeur pouvait solliciter l’inopposabilité d’une décision de prise en charge des conséquences financières d’une pathologie professionnelle à différents niveaux : à l’occasion de l’action en inopposabilité de la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie, et/ou lors de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur pour cette même pathologie. Il pouvait alors faire valoir, à tous les stades, des moyens de procédure et de fond pour tenter d’obtenir cette inopposabilité.

Or, depuis un arrêt de cassation du 8 novembre 2018 (Cass. Civ. 2 , 8 novembre 2018, n° 17-25.843), il n’est plus possible pour l’ employeur de réclamer une telle inopposabilité « d’origine » (fondée sur l’absence de caractère professionnel de la pathologie) à l’occasion de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable subséquente. Seuls des motifs de fond pourront de nouveau être soulevés afin de se prémunir contre la faute inexcusable. L’employeur pourra alors argumenter par exemple sur le délai de prise en charge, l’exposition au risque, la matérialité de l’accident, l’imputabilité de la pathologie au travail, etc. La jurisprudence restreint donc considérablement les moyens de défense de l’employeur au stade de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable. Dès lors, l’ employeur qui n’intente aucune action en inopposabilité à l’origine de la pathologie professionnelle ne pourra jamais faire valoir des moyens de procédure devan t la j uridiction saisie aux fins d’inopposabilité lors de la procédure en faute inexcusable. L’employeur doit alors avoir conscience du fait que l’action en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’une maladie, d’un accident ou d’une rechute est un préalable « procédural » nécessaire, même si elle ne garantit pas qu’une faute inexcusable ne lui sera pas reconnue par la suite ( v. ci-après).

Il convient utilement de rappeler que cette première procédure n’a pas d’impact sur le salarié indemnisé en vertu de l’indépendance des rapports entre la CPAM et la victime ou ses ayants droit, et la CPAM et l’employeur. En d’autres termes, le salarié n’est pas avisé de l’action de l’employeur en contestation du caractère professionnel de la pathologie.

Un intérêt limité

Comme il a été vu précédemment, la contestation du caractère professionnel d’une pathologie sera quasi impossible lors de l’action en faute inexcusable. Ce qui oblige l’employeur à faire valoir ses droits dès le stade de la reconnaissance du caractère professionnel. Pour autant, l’inopposabilité obtenue par l’employeur d’une telle pathologie ne l’exonérera pas de facto d’une éventuelle reconnaissance d’une faute inexcusable (Cass. Civ. 2 , 2 mars 2004, n° 02-30.966).

Ainsi, la CPAM pourra, malgré une décision de justice rendant inopposable à l’employeur les conséquences financières d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, lui réclamer, à l’occasion d’une action récursoire, le remboursement des sommes avancées à la victime au titre, cette fois-ci, d’une faute inexcusable (Cass. Civ. 2 , 31 mars 2016, n° 14-30.015 ; Cass. Civ. 2 , 24 mai 2017, n° 16-17.644). Or, comme il a été vu, ces conséquences (dont certaines se répercutent en capital) peuvent être singulièrement élevées.

En effet, l’article L. 452-3-1 du Code de la sécurité sociale dispose que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3. »

Cette situation peut sembler contradictoire et inique pour l’employeur qui se retrouve, malgré une décision lui rendant inopposable les conséquences financières d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, devoir supporter les conséquences d’une action en reconnaissance de sa faute inexcusable portant sur la même pathologie, dès lors que cette reconnaissance a l’autorité de la chose jugée.

Finalement, la décision rendue en matière de faute inexcusable fait fi de l’inopposabilité. Néanmoins il semble qu’une lecture « a contrario » de l’article L. 452-3-1 du Code de la sécurité sociale autorise encore un lien entre l’inopposabilité du caractère professionnel d’une pathologie et l’absence de faute inexcusable, si cette inopposabilité trouve son fondement sur des circonstances de fond, précédemment abordées, (absence de matérialité de l’accident, etc.) et non de procédure.

Le législateur souhaite ici interdire qu’un employeur profite d’un manquement procédural de la caisse lors de la procédure de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pour faire tomber, de facto, l’action en faute inexcusable subséquente.

Tel ne semble pas être le cas lorsque la notion même du caractère professionnel de l’accident peut être remise en cause ; la doctrine restant néanmoins divisée sur ce point. Enfin, si cette sévérité procédurale est certes préjudiciable à l’employeur, le but demeure double : préserver l’indemnisation du salarié victime d’une part, et maintenir un haut niveau d’exigence de prévention des risques en entreprise via des sanctions financières lourdes, d’autre part. Le caractère « hybride » de l’obligation de moyen « renforcée » n’est que la résultante de cet équilibre fragile constitué par l’exigence de sécurité optimale confrontée à l’imprévisibilité du fait accidentel parfois inévitable.

Encadré(s) :

EXEMPLES DE PRÉJUDICES NON PRÉVUS PAR LA LOI POUVANT FAIRE L’OBJET D’UNE INDEMNISATION

Voici des exemples de préjudices non prévus par la loi pouvant faire l’objet d’une indemnisation, liste inspirée de la nomenclature Dintilhac :

– préjudice d’anxiété (Cass. Soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.879) ;

– aménagement du domicile et adaptation du véhicule (Cass. Civ. 2e, 30 juin 2011, n° 10-19.475) ;

– préjudice sexuel ;

– déficit fonctionnel temporaire (Cass. Civ. 2e, 4 avril 2012, n° 11-14.311 ; Cass. Civ. 2e, 20 juin 2013, n° 12-21.548) ;

– préjudice lié à un refus d’assurance pour un prêt immobilier (Cass. Civ. 2e, 11 octobre 2018, n° 17-23.312) ;

– recourir à l’assistance d’une tierce personne (Cass. Civ. 2e, 20 juin 2013, n° 12-21.548) ;

– préjudice d’établissement, c’est-à-dire la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap (Cass. Civ. 2e, 2 mars 2017, n° 15-27.523) ;

– préjudice permanent exceptionnel lié au handicap permanent dont restent atteintes certaines victimes, après leur consolidation (Cass. Civ. 2e, 2 mars 2017, n° 15-27.523) ;

– assistance d’un médecin-expert (Cass. Civ. 2e, 18 décembre 2014, n° 13-25.839), etc.

Cette liste n’est par définition pas exhaustive. Néanmoins, certains préjudices et frais afférents ne peuvent pas faire l’objet d’une indemnisation complémentaire puisqu’ils sont déjà intégrés dans la rente allouée. Il s’agit entre autres des frais médicaux, de transport, ou encore des préjudices liés au déficit fonctionnel définitif déjà pris en charge par la Sécurité Sociale, ou encore le préjudice lié à la perte d’emploi et les droits à la retraite (Cass. Ch. mixte, 9 janvier 2015, n° 13-12.310).

Cette question d’inclusion ou non des préjudices au sein de la rente est au cœur de nombreux contentieux indemnitaires opposants employeurs et victimes. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence offre désormais aux victimes de faute inexcusable une réparation élevée de leurs préjudices.

LES INCIDENCES FINANCIÈRES POUR L’EMPLOYEUR

Auparavant, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la majoration de rente versée par la caisse était répercutée sur l’employeur via une augmentation de son taux de cotisation AT/MP. Depuis le 1er avril 2013, le remboursement des sommes avancées par la caisse au titre de la faute inexcusable doit s’effectuer sous forme de capital et non plus sous forme de cotisation complémentaire (CSS, art. L. 452-2).

Les conséquences financières du paiement de ce capital sont dès lors considérables puisque l’employeur rembourse à la CPAM, en capital et en une fois, l’intégralité de la somme correspondant à l’indemnité complémentaire qu’elle a versée à la victime (CSS, art. D. 452-1), calculée sur l’intégralité de l’espérance de vie du salarié victime.

Ce versement en capital est appelé en une fois par la caisse dès que la décision de reconnaissance de la faute inexcusable est définitive. Pour l’employeur, cette indemnisation est difficilement quantifiable en amont du contentieux, voire impossible.

FOCUS SUR LE COVID-19

La crise récente du coronavirus oblige l’employeur à être vigilant concernant son obligation de prévention des risques. Ce nouveau risque de pandémie doit, selon nous, figurer avec précision au sein du document unique d’évaluation des risques.

Sur ce point précis, par ailleurs, gageons que si la reconnaissance de maladie professionnelle sera reconnue d’emblée (inscription au tableau des maladies professionnelles) pour les professionnels de santé exposés au Covid-19, il est probable que des actions plus contestables apparaissent dans d’autres secteurs d’activités, qu’elles soient tertiaires, commerciales (on pense légitimement aux personnels de distribution alimentaire) ou industrielles. Le cas échéant, l’essentiel du débat portera sur la reconnaissance originelle du lien de causalité avec l’activité exercée et l’exposition au risque (singulièrement difficile à établir). Passé ce filtre (probablement très délicat pour le salarié), l’action en faute inexcusable aura quant à elle probablement plus de chance de prospérer en raison de l’insuffisance d’équipements de protection à la disposition des entreprises et de mesures barrières constatées au niveau national.

Sauf à démontrer avoir mis en place, dès l’origine de l’épidémie, des mesures barrières « efficaces » et autres équipements de protection (masques FFP2, gants… ce que nul employeur n’avait, au demeurant), le risque de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur nous apparaît réel dès lors que ladite pathologie aura, préalablement, été reconnue comme d’origine professionnelle (ce qui apparaît juridiquement complexe compte tenu de l’exposition virale non limitée au périmètre de l’entreprise).

Bien évidemment, ce type d’action ne s’observera que s’agissant de cas graves d’infection au Covid-19 (réanimation voire décès). Le cas échéant, une réflexion devra selon nous être menée s’agissant des entreprises ainsi condamnées et pouvant démontrer une réelle recherche de moyens de protection restée vaine en raison d’une défaillance nationale (hypothèse d’une mise en cause de la responsabilité de l’État).

Néanmoins, il n’est pas inutile de rappeler ici que le Code du travail prévoyait déjà (et ce, bien avant l’arrivée du Covid-19) une obligation de prévention des risques biologiques pesant sur l’employeur (C. trav., art. R. 4421-1 et s.). Dès lors, une défense axée essentiellement autour du caractère inédit de cette pandémie ne nous apparaît pas comme pouvant prospérer en cas de mise en cause de l’employeur au titre d’une faute inexcusable liée à l’exposition au Covid-19.